Madame B.

 

Madame B. Histoire d’une Nord-Coréenne de Jero Yun, nous embarque à l’arrière de motos, recroquevillé dans un taxi ou lors de marches interminables pour passer en lousdé les frontières d’Asie du sud-est sur les traces d’une femme : Madame B,nord-coréenne vendue pour être mariée à un paysan chinois par des passeurs, devenue par la suite trafiquante, dealeuse puis elle-même passeuse avant d’entreprendre une traversée du continent clandestine pour rallier Bangkok puis Séoul. L’histoire vraie à la fois mélancolique et fiévreuse d’une femme écartelée. Entretien avec Jero Yun.

Madame B. incarne à elle seule la faculté de survie et de résistance de l’individu face au rouleau compresseur de la géopolitique : as-tu rencontré beaucoup de personnes dans sa situation ? A t’on une idée du nombre de personnes fuyant la Corée du Nord ?
C’est au cas par cas. On ne peut pas généraliser cette diversité de destins. J’ai rencontré beaucoup de personnes dans des situations très différentes, des cas sont similaires mais pas exactement pareil… Disons que nombreux sont les personnes fuyant la Corée du Nord, on estime leur nombre à 400 000 individus jusqu’à présent. C’est bien sûr une estimation grossière, le chiffre exact n’existe pas, c’est juste impossible à chiffrer.
Le mari chinois de Madame B.
Madame B, qui fait passer des Coréens du Nord en Chine elle même avoir recourt à des passeurs pour tenter de rejoindre la Corée du Sud. C’est la partie épique de ton documentaire, avec cette traversée d’un continent Chine, Laos, Thaïlande, pour être prise en charge dans un centre de réfugiés et rallier Séoul. Et tu as été de cette traversée… Combien de temps a duré ce périple ?
De chez elle [dans le nord de la Chine] jusqu’à Bangkok, ça nous a pris entre 9 et 10 jours. Nous nous sommes séparés là-bas. Puis, j’ai retrouvé Madame B, un an plus tard à Séoul lorsqu’elle a été libérée du centre de détention du bureau de l’immigration de Bangkok.
Madame B. et son mari coréen, Séoul.
En Chine, il  existe une importante minorité coréenne que l’on définit comme étant constituée de « citoyens chinois de nationalité coréenne », les Joseonjok, comment les personnes fuyant la Corée du Nord sont elles perçues par les Joseonjok?
En fait les Joseonjok, sont des chinois d’origine coréenne, ils parlent les deux langues. Ils ont la nationalité chinoise. On ne peut pas devenir citoyen chinois en gardant une autre nationalité, et ayant le droit de vote.
A nouveau, je ne peux que répondre c’est au cas par cas, qu’on ne peut pas généraliser sur ce que pensent les Joseonjok des réfugiés nord-coréens. Certains les accueillent comme frères, comme famille, certains les voient comme totalement étrangers.
Madame B. et l'un de ses deux fils à Séoul.
Ces Joseonjok étaient par ailleurs au centre d’une fiction cette fois : The Murderer de Ha Hong-jin…  Comment la société sud coréenne perçoit elle ces diasporas ?
Les Joseonjok sont souvent présentés dans des films coréens comme des voyous, des criminels, des parasites de la société. C’est aussi un peu la faute du cinéma coréen qui crée et entretient des stéréotypes, de mauvaises images. Pourtant, il existe aussi les Joseonjok riches, de la classe moyenne sans histoire en particulier. J’ai l’impression que la société sud-coréenne préfère discriminer les Joseonjok.
Les beaux-parents chinois de Madame B.
Au final, le cœur de guerrière de Madame B. se fissure dans la solitude de Séoul… Sais-tu ce qu’elle devient ?
Madame B aujourd’hui a un passeport sud-coréen. Elle a ouvert un bar en banlieue de Séoul. Elle a décidé de vivre seul. Elle n’a choisi ni la famille chinoise, ni la famille nord-coréenne. Elle envoie tant qu’elle peut un peu d’argent aux deux familles. Elle voit régulièrement ses deux fils.
Madame B. Histoire d’une Nord-Coréenne
Un film de Jero Yun / jeroyun.net
France / Corée
*** Prix du meilleur film documentaire, Moscow International Film Festival 2016
*** Prix du meilleur film documentaire, Zurich Film Festival 2016

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