Ils ne connaissent pas les terreurs qui passent par la tête lorsqu’on est allongé là  dans la fosse à attendre un soupçon de lumière qui annonce que la nuit est terminée.

Hubert Selby Jr., La Geôle

De la nuit comme fond de studio, Soham Gupta fait émerger une procession à l’extrême du dénuement et de la décrépitude, Angst, l’image fixée de sa propre angoisse.

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Où en es-tu avec la nuit?
La nuit, pour moi, est la toile de fond sur laquelle se déroulent tous les drames que je reporte dans mon travail : la jubilation, les tensions, les anxiétés, la confrontation de la vie et de la mort, la violence, la décrépitude et également l’espoir. Mon travail traite d’une cour des Miracles. La nuit, d’une manière ou d’une autre symbolise ça.
Les personnes que tu photographies sont des exclus vivant aux marges de Kolkota, ta ville. Il ne semble toutefois par y avoir d’implication sociale dans le regard que tu portes. Que veux tu partager avec nous, les spectateurs?
Tous mes modèles sont des personnages, et avec eux, je vise à créer un Disneyland sombre de ma façon, où ces personnages comme sortis de mon imagination chancellent et se pâment, se confient et avouent, se font l’amour les uns les autres et se jouent de tout le reste, aspirant à quelque chose comme un Quasimodo de Hugo ou un Tralala de Selby qui n’en finirait pas.
Angst évoque une multitude de contes entrecroisés qui auraient mal tourné. Connais-tu les histoires derrière les modèles?
Je connais d’innombrables histoires de personnes dont les rêves de grande ville ont tourné à l’aigre – Je connais cette mendiante musulmane qui doit faire face à l’hostilité quotidienne des mendiants hindous parce qu’elle vient faire la manche aux abords du temple en portant un médaillon de la déesse Kali pour faire croire qu’elle est hindoue. Je connais des femmes qui ont cédé leurs enfants pour de l’argent. Je connais des personnes qui ont subi la violence dans leur domicile, et qui se retrouvent maintenant à la rue, des malades mentaux, terriblement vulnérables, attendant que la mort les libèrent.
Cette confrontation avec la nuit et les marges de ta cité ont-elles été un exutoire à ta propre angoisse ?
Je m’identifie  avec les personnes dont je fais le portrait à cause de ma propre aliénation en tant qu’enfant-malade-chronique et adulte se cabrant contre un certaines attentes au niveau social. Mais cette confrontation m’a-t-elle aidée ? Je ne sais vraiment pas… J’ai été, de temps en temps,  profondement affecté par la pure brutalité des choses dont j’ai été témoin. Mais encore une foi, cela m’a-t-il changé en tant que personne ? Je porte peut-être un regard plus cynique sur beaucoup de choses de la vie. L’optimisme de la jeunesse n’est plus, couvert comme une chape par ces 5 années passées à travailler sur Angst.
Tu te réfères souvent à Hubert Selby Jr., en quoi te sens-tu proche de son monde? Et quelle musique ou fond sonore pourrait accompagner ta galerie de portraits?
Je pense que la nauséabonde crudité qui émane de Requiem for a Dream ou de Last Exit to Brooklin n’est pas très différente du taudis impitoyable que décrit mon travail.
Quand à la musique, je suis sur le point d’enregistrer ces chansons obsédante d’une clocharde alcoolique que j’écoutais souvent il y a quelques temps. Elle est toujours là. Il faut juste que j’y retourne et enregistre ses chansons.
Que viendra après Angst ?
Je travaille sur une série qui traite de mon environnement proche; on verra la forme que ça prendra…
soham-gupta
Angst, le livre est publié chez Akina Books.

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