Insuffisient Mournig

Si la vérité n’est pas l’alliée naturelle de la photographie, Jin-sil (vérité en coréen) Leem, Truth Leem donc, photographe rodée aux news pour l’AFP ou Reuters, a lâché le fil d’actu pour faire de son appareil photo l’intercesseur entre elle et le désordre familial, le deuil.

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Ton projet initial s’appelait « Insuffisient Mournig », quel était ce deuil insuffisant ?
Lorsque j’avais 3 mois, ma sœur ainée de 3 ans est décédée. Bien qu’évidement je n’en ai ni souvenir, ni eu conscience objective, ce drame a conditionné toute mon enfance et donc qui je suis.
En quel sens ?
Ma mère a été très affectée par ce décès, elle s’est en fait retrouvée peu à peu dans l’impossibilité de m’assumer, dans un état de dépression plus ou moins profonde… Mon oncle m’a donc prise en charge et élevée… c’est mon premier souvenir, le départ chez mon oncle… Il me reste de cet événement une grande peur de l’abandon.
Tu n’as pas par la suite retrouvé ce noyau familial ?
Si, mais atomisé. Ma famille a toujours feint la normalité alors que le quotidien était chaotique. Mon père était un homme à femmes… Mensonges, lettres à des amantes qui trainent, photos ou selfies pornos, tout ça m’est passée par les mains. Je voulais qu’ils divorcent ou m’enfuir, les deux sont arrivés.
Et la photographie était dans le lot?
Oui, je suis partie à 19 ans aux Etats Unis étudier l’histoire de l’art et le photojournalisme. De retour en Corée, j’ai commencé à piger pour Reuters ou l’AFP en développant mon projet personnel. Je ne l’assumais pas trop.
Comment as-tu glissé de la photo de news à un sujet aussi intimiste ?
Le grand virage a eu lieu après avoir rencontré Antoine d’Agata au festival photo d’Angkor. De ces échanges je suis sortie convaincue que je devais aller au bout de ma démarche et m’y projeter complètement.
Psychiquement ?
Oui, intellectuellement, émotionnellement… J’ai commencé en 2014 un cycle d’étude en psycho-analyse et photographie.
Et en pratique ?
Je me dépouille, désapprends les reflexes du pigiste et photographe de news, mais je retrouve ce regard dans ma lecture et la critique de mon travail intimiste. J’ai l’impression de faire des allers retour intérieur-extérieur avec la photographie.
Comme une respiration ?
Oui.

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